Deuxième réservoir de biodiversité du bassin méditerranéen après la Turquie, le Maroc dispose de nombreux parcs naturels et réserves à travers l’ensemble du territoire.Les plus anciens datent de la période coloniale, d’autres ont vu le jour dans le cadre du Plan directeur des aires protégées, destiné à préserver la biodiversité au niveau local et national conformément aux engagements pris lors de la conférence de Rio en 1992.Citons la réserve de Souss Massa, d’une superficie de 33.800 hectares, la réserve d’Ifrane, de 50.000 hectares, ou d’autres, beaucoup moins connues telles que la réserve de Sidi Chiker (2.000 ha) ou Bouaâcila (600 ha). Certaines abritent des mouflons à manchettes, des autruches, d’autres sont dédiées à la gazelle Dorcas…Outre le fait de constituer les derniers refuges d’espèces sauvages emblématiques du Maroc, ces espaces relativement protégés des activités agro-pastorales permettent la perpétuation d’écosystèmes reflétant toute la diversité qu’offre le Maroc, du Rif à l’Anti-Atlas, des plaines côtières aux montagnes ou au désert. Les chercheurs nationaux ou étrangers peuvent y étudier l’impact des changements climatiques et la façon dont les écosystèmes à cèdres, à chênes ou acacias et leurs cortèges floristiques s’y adaptent quand les activités humaines ne viennent pas aggraver les effets de la sécheresse ou du réchauffement climatique.A côté de l’artisanat, du patrimoine historique et culturel, des plages, du trekking, des festivals, une offre de type «safari» (toutes proportions gardées) serait un facteur attractif supplémentaire pour «vendre» la destination Maroc. Il ne s’agit pas de rivaliser avec le Kenya ou la Tanzanie, ni même le Sénégal ou le Burkina bien entendu. Mais une réserve abritant des gazelles, autruches et antilopes à une ou deux heures de route d’une ville impériale, à trois heures d’avion de plusieurs capitales européennes, méritera certainement quelques lignes dans les guides touristiques et une demi-journée ou une journée dans un circuit. A noter qu’une entrée dans un zoo européen coûte autour de 15 euros. Les réserves doivent être valorisées, dans tous les sens du terme. On n’imagine pas la citadelle du Chellah, ni la Kasba de Boulaouane, ou le musée des Oudayas sans les visiteurs qui les animent et les financent en partie. Il devrait en être de même pour les réserves. Les infrastructures de base (terrains, clôtures et animaux) existent déjà. Reste à trouver ou former le personnel d’accueil, gardes et guides, à mettre en place une structure et un cadre de gestion de cette ressource. A travers tout le continent africain, de nombreuses expériences ont façonné des modes d’exploitation très variés qu’il conviendra d’adapter à nos conditions. Il est primordial de veiller à l’intérêt de la flore et de la faune qui doivent être les principaux bénéficiaires de la démarche.De même, l’adhésion des communautés villageoises ou tribales à ces projets est indispensable. Cette adhésion est conditionnée par une sensibilisation à la cause de la biodiversité mais aussi et surtout par un intéressement aux retombées financières du projet. L’intéressement peut être direct, sous forme d’une location des terrains aux communes auxquelles ils appartiennent, dont ils forment une partie du terroir. Il est aussi indirect par la création d’emplois autour et dans les réserves.La supervision d’instances internationales type WWF (World Wildlife Fund) ou UICN (Union international pour la conservation de la nature) ne pourra qu’être bénéfique en raison de leur expérience et de leur capacité d’accompagnement. Elles peuvent par ailleurs jouer un rôle d’appui pour la recherche de bailleurs de fonds. Les réserves, aujourd’hui spécialisées autour d’une ou deux espèces chacune devront être diversifiées, ce qui correspondra mieux à l’objectif de préservation de la biodiversité et enrichira l’offre proposée aux visiteurs. Idéalement, chaque réserve devrait abriter des représentants de toutes les espèces qui le peuplaient il y a quelques siècles, exception faite des prédateurs qui posent un problème de sécurité des visiteurs et d’équilibre de l’écosystème.En résumé, on peut considérer que l’essentiel du travail et de l’investissement est réalisé pour la valorisation des petites réserves clôturées.La mise en œuvre de cette valorisation peut être une fin en soi comme elle peut être un premier pas vers un chantier de plus grande envergure: la création de réserves dans les espèces subdésertiques des régions de l’Oriental, de Rachidia, Zagora…Ces zones où la pluviométrie annelle tourne autour de 100 mm ne permettent qu’une très faible production pastorale annuelle, de l’ordre de quelques kg de viande caprine ou cameline à l’hectare. Des espaces comparables en Namibie, au Botswana, abritent d’immenses réserves naturelles. On change d’échelle: on passe de quelques centaines d’hectares à quelques dizaines de milliers d’hectares. On change également d’approche: il ne s’agit plus de réserves soustraites à l’activité pastorale mais d’espaces voués à une exploitation duale, pastoralisme et écotourisme. Contrairement aux petites réserves de type Sidi Chiker, de telles surfaces peuvent nourrir de grands troupeaux d’herbivores sauvages et, au sommet de la chaîne alimentaire, leurs prédateurs.Plus encore que dans le cas des petites réserves, l’adhésion des communautés dont les terroirs constitueraient les réserves, est indispensable. Ces études apparemment désolées et sans valeur ont été âprement disputées dans le passé par les tribus qui y vivent aujourd’hui et les exploitent, si arides soient elles. Elles sont leur patrimoine. La préservation de la biodiversité ne saurait conduire à une expropriation des populations locales ou à une atteinte à leurs droits d’usage coutumiers. Une réserve ne peut être conçue au Maroc comme un grand projet touristique privé, mais plutôt comme un levier de développement de régions presque dénuées de ressources. En d’autres termes, les revenus dégagés devraient intégralement profiter à la région, à la population locale.
Il y a moins d’un siècle, le guépard hantait les savanes, les steppes désertiques des régions de Figuig, du Drâa et de Kem-Kem aux côtés de félins plus petits, serval et lynx caracal. Il se nourrissait des petits herbivores, gazelle Dorcas et gazelle de Cuvier. Dans son régime figuraient également les faons des plus grands herbivores, antilope Bubale ou mouflon. Les régions subdésertiques du Maroc ont indiscutablement vocation à redevenir un conservatoire naturel du guépard, dont elles ont été jusqu’à un passé récent l’habitat le plus septentrional. De tous les grands félins, le guépard est le plus facile à gérer car il représente un moindre danger pour les troupeaux domestiques, et un danger quasi nul pour l’homme lui-même.Il s’agit là d’un projet de longue haleine, en plusieurs étapes:- Sensibiliser et impliquer la population locale.- Réintroduire les différentes espèces d’herbivores sauvages.- Réintroduire le guépard.
A côté de ces deux fonctions, conservation d’espèces et recherche scientifique, ces réserves présentent un remarquable potentiel, éducatif, ludique, touristique, économique… quasi inexploité.La plupart de ces réserves sont bien desservies, jouissent d’un accès direct par la route, sont situées non loin de centres urbains ou d’axes routiers majeurs. La réserve de Sidi Chiker se trouve à 70 km de Marrakech soit 1 heure de route. Celle de Bouaâcila, près de Bejaâd, est à une trentaine de km de la route reliant Fès à Marrakech. Ces deux sites, et bien d’autres, peuvent contribuer à la sensibilisation, à l’éducation environnementale des élèves et étudiants par le biais de sorties sur le terrain encadrées par des enseignants ou des ingénieurs et techniciens forestiers. Plus largement, l’ensemble de la population pourrait trouver là un espace de contact et de découverte de la nature dans un cadre règlementé, protégé, cette réglementation étant la base de l’éducation des visiteurs qui ne devront en aucun cas se permettre de porter atteinte à l’intégrité de la flore et de la faune, soit par négligence soit par ignorance.Enfin, ces réserves représentent un atout dans la stratégie touristique nationale.
Article initialement publié sur le site de l’économiste.